jeudi 16 juin 2016

Apprendre sur le tas

Nos études, nos formations ne représentent qu'une toute petite partie de notre apprentissage ! D'après un modèle défini dans les années 90 par des chercheurs de la prestigieuse université américaine de Princeton, 70% de notre apprentissage se font au travers de nos expériences et de nos pratiques quotidiennes et 20% grâce à nos interactions sociales, nos échanges avec nos collègues, nos connaissances ou par une plateforme collaborative. 10% seulement viennent d’un mécanisme d’apprentissage conscient, formel.

Apprendre sur le tas
Le modèle 70-20-10


90% de nos savoirs proviendraient donc de notre apprentissage informel. Ainsi, au bout d’un mois, nous avons oublié plus de 80% du contenu d'une formation traditionnelle. Par contre, si nous la mettons en oeuvre régulièrement, nous nous l'approprions et nous la retenons. Je vois souvent des exemples typiques de cette situation dans les formations en langues ou en informatique envisagées par les gens que j'accompagne. Je leur demande toujours : "Est-ce que vous allez pouvoir utiliser ces connaissances rapidement ?". Par essence, ce sont en effet des savoirs extrêmement volatils qui se perdent très rapidement quand ils ne sont pas mis en action d'une façon ou d'une autre... Pour le dire autrement, avec l’apprentissage formel, nous apprenons à connaître plutôt qu'à faire.

Du coup, l’essentiel de nos connaissances s'acquiert de manière informelle, par un apprentissage permanent qui nécessite une ouverture à de nouvelles situations, une interaction profonde avec les autres, voire une certaine dose de sérendipité !

Diverses enquêtes montrent d'ailleurs que nous estimons mieux apprendre (dans cet ordre) avec nos collègues immédiats ou en réglant un dysfonctionnement ou avec notre supérieur hiérarchique.

Pour autant, les apprentissages informels, loin d'être une panacée, peuvent avoir des effets pervers et transmettre des mauvaises pratiques comme le non-respect de la sécurité pour aller plus vite, par exemple. Ils obligent aussi, en quelque sorte, à s’en remettre au hasard des apprentissages sur le terrain ou sociaux, laissant ainsi au salarié la responsabilité du développement de ses propres compétences au nom d'un empowerment pas nécessairement bien compris.

Parallèlement, de nouveaux outils apparaissent. Serious games, modules multimédia, e-learning se multiplient avec pour ambition de replacer l'individu au cœur de sa formation. Ils tirent leur efficacité de leur capacité à susciter de l'engagement et à impliquer l'utilisateur dans le processus de formation. Ni tout à fait formations formelles ni tout à fait expériences du terrain, ils sont censés bénéficier des avantages de chacune, l'immersion de l'utilisateur et sa préparation avant le terrain.

Ces techniques récentes se développent parce que, comme les apprentissages informels, elles sont adaptées à l'accélération des cycles technologiques et économiques actuels. Face à un savoir rapidement obsolète,  le développement de solutions de formation formelles prend trop de temps et risque d'arriver trop tard. De sucroît, les connaissances que nous utilisons au plan professionnel sont contenues dans nos systèmes d’information et dans le réseau des personnes qui nous entourent. L'important, dans ce cas, n’est pas de mémoriser, mais de savoir où trouver rapidement l'information adaptée et comment l’utiliser de façon pertinente pour résoudre des problèmes qui se présentent à nous.

Alors, faut-il abandonner complètement la formation traditionnelle, trop longue, trop théorique, trop chère aussi ? Certainement pas ! Au contraire, l’apprentissage formel reste un temps nécessaire à l’acquisition de méthodes et de grilles de lecture des situations, surtout quand nous apprenons quelque chose pour la première fois ou que nous voulons approfondir nos connaissances. Il constitue un espace protégé de prise de recul, de conceptualisation, de droit à l’erreur.

Dire que nous apprend essentiellement de l’expérience, sûrement. Mais en combinant cette expérience avec des situations d’échanges et de coopération et avec des temps de formation et en créant ainsi notre "paysage d’apprentissages" (learning landscape).

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire